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La communauté des Grassieuses
18 septembre 2010

Les mille et une portes - partie I

Mais remontons à l’instant où le premier visiteur a franchi le seuil d’entrée de l’hôtel, où les battants se sont refermés sur une silhouette longiligne, aux hanches étroites mais aux épaules féminines. Il s’agissait bien d’une jeune fille, âgée de seize ans, aux courts cheveux roux. Elle se trouvait dans un vaste hall faiblement éclairé par un lustre dont l’aspect témoignait d’un ancien éclat. Sur sa droite, elle aperçut un comptoir en bois massif sur lequel une petite sonnette avait été mise à la disposition du client. En face d’elle se dressait un magnifique escalier dont le tapis rouge étalé sur les marches semblait vous inviter à monter. Et dans un coin, un petit salon avec une table basse et de vieux fauteuils tenait plus d’une salle d’attente que d’un espace détente. 

  Juste au moment où la jeune fille s’avançait, un garçon entra derrière elle. Petit et blond, il portait des lunettes et paraissait ne pas savoir comment il avait pu arriver là. Il échangea un regard avec la grande rousse et, malgré leur incompréhension mutuelle, ils demeurèrent silencieux. Lorsque le garçon voulut enfin dire quelque chose, un nouvel arrivant apparut. La fille, en le détaillant, s’étonna de voir une étrange fumée dissimuler son visage, alors que sa grande taille était clairement remarquable. Sa gestuelle hésitante indiquait qu’il était tout aussi perdu qu’eux. Enfin, une dernière personne déboula dans la pièce, bousculant l’adolescent dégingandé au passage, et s’arrêta brusquement au milieu du hall, foulant un tapis de style oriental aux contours effilochés. Ils ne purent s’empêcher de dévisager cette curieuse fille dont les cheveux bruns ébouriffés lui donnaient un air de folle. 

 Soudain, une voix suave s’éleva derrière le blondinet tandis qu’une main aux doigts parfaitement manucurés et ornés de bagues lui agrippait l’épaule avec fermeté. 

− Bonjour, mes agneaux… 

 Le garçon sursauta et tous les autres se tournèrent vers lui pour découvrir une femme un peu ronde, d’une cinquantaine d’années, portant un tailleur d’un rose criard. Ses longs cheveux châtains étaient ramenés en un chignon strict d’où quelques mèches s’échappaient.

− Prenez place dans ces fauteuils, mes petits chéris, dit-elle en désignant le coin salon d’un geste de la main, je vais vous apporter du thé.

Ce faisant, elle disparut derrière le comptoir, laissant ses nouveaux clients faire plus ample connaissance.

− Euh… fit la rousse, après un moment de silence pesant. Comment vous vous appelez ? Moi c’est Billie.

− Billie. C’est un prénom de garçon, ça, s’étonna le petit blond en relevant un sourcil perplexe.

− Oui, et alors ? répliqua la dénommée Billie d’un ton acerbe.

− Bah… rien.

− Et toi le mioche, c’est quoi ton nom ? intervint la brunette.

− Dorian. Et je ne suis pas un mioche, j’ai onze ans.

− Ben le tien il ressemble à celui d’une fille, dit Billie avec un sourire sarcastique.

− Dorian ? Ça me rappelle l’histoire d’un homme qui ne voulait pas vieillir et qui, par un pacte…

− Ouais, bon, on n’en a rien à faire. Comment tu t’appelles ? le coupa la brune.

− … Alexandre. Et toi ?

− Clémentine ! C’est joli, hein ?

­− Charmant, railla Dorian. Et vous savez où on est ?

− Non, répondirent-ils en chœur.

− Super…

  Un tintement de vaisselle les interrompit. La femme revenait vers eux, un plateau en main.

− Mais qu’attendez-vous pour venir vous asseoir ? Le thé est prêt, mes petits choux, dit-elle en disposant les tasses fumantes sur la table basse du salon.

  Ils s’approchèrent timidement quand soudain elle se releva.

− Oh, quelle mauvaise hôtesse je fais ! J’ai oublié les biscuits !

 Et elle repartit aussitôt.

 Clémentine remarqua que Billie n’était plus avec eux. En la cherchant du regard, elle la vit sur la troisième marche de l’escalier, une main effleurant la rambarde vernie. Ses cheveux flamboyants convenaient parfaitement à ses habits aux couleurs chaudes, un T-shirt uni sur un haut à manches longues rayé de blanc et de bordeaux. Hésitants, les autres finirent par la rejoindre et, ensemble, ils montèrent à l’étage. Là-haut, deux chemins s’offrirent à eux. Billie choisit sans réfléchir celui de droite, entraînant à sa suite le reste du groupe. Ils longèrent un couloir mal éclairé, dont l’unique source de lumière provenait des lampes accrochées aux murs. Le papier peint au motif floral d’un autre temps était décrépit et les portes n’étaient pas numérotées, bien qu’ils fussent dans un hôtel. Billie s’arrêta au hasard devant l’une d’entre elles et, sans demander l’avis des autres, elle l’ouvrit.

 La première chose qui les frappa fut un tic-tac assourdissant et le grincement de rouages qu’ils aperçurent dès qu’ils pénétrèrent dans la salle : ils se trouvaient à l’intérieur d’une gigantesque horloge ! Ébahis, ils s’avancèrent lentement tout en contemplant les aiguilles dorées, les chiffres noirs du cadran – à l’envers – se découpant parfaitement à contre-jour, des pendules et autres montres emplissant le reste de l’espace. Devant eux s’étirait une passerelle, qu’ils traversèrent tout en continuant à admirer les oscillations hypnotiques des balanciers. Arrivés au bout, ils découvrirent une autre porte au centre de l’horloge géante. Après avoir jeté un dernier coup d’œil à ce lieu extraordinaire, ils passèrent la porte.

To be continued...

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